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Les Violences Faites aux Femmes (VFF) sont définies comme tous les actes « de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou ‘pouvant’ causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou la vie privée ».  (Déclaration sur l’élimination de la violence contre les femmes, Résolution 48/104 de l’Assemblée générale de l’ONU). La loi organique 58-2017, développe une définition en totale cohésion en précisant que les VFF concernent « toute atteinte physique, morale, sexuelle ou économique à l’égard des femmes, basée sur une discrimination fondée sur le sexe et qui entraîne pour elles, un préjudice, une souffrance ou un dommage corporel, psychologique, sexuel ou économique et comprend également la menace de porter une telle atteinte, la pression ou la privation de droits et libertés, que ce soit dans la vie publique ou privée » . 

Cette loi organique a été votée en réponse à l’ampleur des Violences Faites aux Femmes en Tunisie. En effet, une enquête de l’ONFP  de 2010 a montré la prévalence de la violence dans la population féminine est de 31.7% pour la violence physique, 28.9% pour la violence psychologique, 15.7% pour la violence sexuelle et 7.1% pour la violence économique. En 2015, une enquête du CREDIF  a démontré que 78% des femmes disent avoir subi une forme de violence psychologique dans l'espace public, 41.2% des femmes ont subi des violences physiques et 75.4% des violences sexuelles.  Cela a démontré la nécessité de mieux connaitre les causes du phénomène afin d’apporter des solutions avec un plan d’actions adapté.

Ainsi, dans le cadre du programme de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes « Moussawat » porté par le Ministère de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Séniors et appuyé par l’Union Européenne et l’UNFPA Tunisie, le CREDIF a réalisé une étude sur « Les représentations sociales des violences faites aux femmes chez les hommes, jeunes et adultes » dont les résultats ont été présentés le 28 Juin 2018. Cette étude qualitative vient en troisième étape d’un processus de plaidoyer mis en place depuis le vote de la loi organique.
Cette étude qualitative a été réalisée suivant la technique de focus groupes et d’entretiens individuels (approfondis et semi-directifs), avec des jeunes âgés de 18 à 25 ans et des adultes de 35 ans et plus de profils diversifiés. 

Les résultats ont démontré que les représentations des femmes chez les hommes prennent forme sous une symbolique qui imbrique religion, tradition, liberté et modernité. Ainsi, les propos relatés révèlent la perception d’une opposition Homme-Femme fondée sur une différence de sexe.   
En ce qui concerne le mode de vie actuel des Femmes, il a été jugé incompatible avec les mœurs et les valeurs de la société, provocateur suscitant inévitablement des attitudes « réactives ».
Les hommes interpelés ont affirmé que le mauvais traitement envers les femmes se produit le plus souvent dans les milieux sociaux pauvres : la vulnérabilité et la pauvreté sont perçues comme le terreau de la violence.
Dans la région du Sud, les adultes imputent les violences faites aux femmes au mode de vie des grandes villes et leur incapacité de contenir la délinquance et la criminalité.
Par ailleurs, une conception restreinte de la violence chez quelques des répondants a reflété que certains comportements ne sont pas perçus comme violents. 

De plus, il y a une perception que les femmes tunisiennes sont surprotégées : ce surcroit de force donne aux femmes le statut de victime. Ainsi, la législation égalitaire est perçue par les hommes comme une ingérence intolérable. 
Parmi, les attributions causales liées à l’homme, l’étude a révélé la difficulté de l’homme à se contrôler devant le corps de la femme : objet de désir irrépressible. De plus, l’exercice de la violence donne le sentiment de puissance. Par contre, seuls les jeunes ont évoqué la frustration sexuelle comme facteur de violence. 

Parmi les attributions causales liées à la femme, l’étude fait ressortir la perception de fragilité physique et psychologique (immaturité), d’agressivité de la femme (propos acerbes, comportement vestimentaire provocateur…). Il y a aussi la perception que la femme pousse l’homme à devenir violent (réactives, manquent de patience, ses concessions et sacrifices pour préserver sa famille). 

L’étude a permis d’identifier des recommandations qui ont été préconisées par les répondants jeunes et adultes : la nécessité d’impliquer les hommes, adultes et jeunes dans les programmes de prévention et de lutte contre les VFF (male involvement), de revoir le rôle de la famille dans la résolution des conflits, d’accorder une importance à l’éducation et à la formation, d’œuvrer pour l’attraction des actions culturelles pour les jeunes, d’agir sur le système éducatif, son contenu, ses objectifs, ses méthodes pédagogiques afin de sensibiliser les enfants et les jeunes aux valeurs  de  l’égalité  des sexes; et enfin d’impliquer les parents, les enseignants, les médias et les associations. 
 

i. https://undocs.org/fr/A/RES/48/104 
ii. http://www.legislation.tn/sites/default/files/news/tf2017581.pdf 
iii. http://www.onfp.nat.tn/violence/e-book/violence.pdf
iv. http://www.credif.org.tn/index.php/les-publications/2011-2016/la-violence-fondee-sur-le-genre-dans-l-espace-public-en-tunisiee